Trente ans d’activité en odontologie, vous vous rendez compte ! Une vie professionnelle à parcourir le monde, j’ai cette étiquette qui me colle à la peau, une activité intellectuelle faite de remise en questions, assez violentes parfois, une ligne de conduite dictée lors de ma période OMS : écouter, observer, innover et ne pas hésiter à confronter ses idées avec un objectif : progresser dans le domaine de la prévention, réduire les inégalités de la santé, imaginer, oser, proposer des hypothèses afin de repousser les limites de la connaissance.
Et paradoxalement, une impression, depuis des années, de ne pas progresser, de tourner en rond avec le sentiment que tout a été dit en prophylaxie orale : le fluor collectif et/ou individuel, la prévention sous des formes diverses et variées, le brossage dentaire, le dentifrice, la médecine bucco-dentaire, les populations et les facteurs de risque, le tabac, les matériaux alternatifs.
Globalement, la santé dentaire des populations va bien. Ce n’est pas faux. Mais alors comment expliquer et combler ce vide observé entre d’une part la réaction inflammatoire quasi généralisée de la gencive à tous les âges de la vie, l’existence de caries interproximales molaires à l’adolescence, la fréquence élevée des abrasions et érosions cervicales des jeunes adultes, le recours aux soins au demeurant important des adultes et, d’autre part, une population prévento-consciente mettant en application des habitudes et comportements que nous lui avons recommandés ?
N’est-il pas l’heure d’une remise en question, non pas de l’intégralité, mais d’une majorité des acquis en prophylaxie orale ? Les concepts inculqués en termes de brossage, de dentifrices, de bains de bouche depuis deux décennies sont-ils encore d’actualité ? Que nous manque-il dans notre approche prophylactique pour revenir au postulat : une dent saine ne peut pas devenir malade. Quel est le chaînon manquant ?
Les nouvelles techniques de biologie moléculaire qui s’intéressent au microbiome humain, élément clé pour le maintien de la santé humaine, ouvrent des perspectives passionnantes. La cavité orale renferme un microbiote des plus divers et complexe du corps humain. La compréhension de la composition du microbiote parodontal du sujet sain et son interaction avec les facteurs de l’hôte et de l’environnement donnent de nouvelles orientations sur le rôle que ces communautés microbiennes jouent dans la santé et la maladie.
Basé sur des années de recherche fondamentale et appliquée, nous présentons, et c’est une première scientifique, les profils de signatures microbiennes du sujet sain qui pourraient discriminer la santé parodontale. Ceci nous conduit à innover de nouvelles stratégies de prophylaxie orale visant à inverser le déséquilibre du microbiote et à restaurer un microbiome parodontal sain.
Sans doute le dernier défi à entreprendre mais qui, si nous l’assumons dans sa globalité, me permettra de conclure : Mission réussie.
Le dernier défi !
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- Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
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